Evénement à Genève, à deux pas de chez nous, suivi pour vous
Ce mercredi 8 décembre, l’UNITAR (United Nations Institute for Training and Research) avait invité à Genève deux hauts responsables internationaux, Dominique Strauss-Kahn Directeur Général du Fonds Monétaire International (FMI) et Pascal Lamy Directeur Général de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), pour une conférence débat sur le thème « L’impact de la crise financière sur la gouvernance économique mondiale ».
Deux très hauts dirigeants, deux hommes de gauche à leurs débuts jeunes poulains de François Mitterrand, aujourd’hui acteurs majeurs pour la réforme de la gouvernance économique mondiale.
Dominique Strauss-Kahn, après avoir brossé le tableau des accords internationaux depuis la dernière guerre a expliqué qu’il fallait aller vers un nouveau modèle de gouvernance économique mondiale pour assurer de la croissance et aider les pays pauvres à sortir de leur état. Le marché est efficace pour créer des richesses, et c’est nécessaire car sinon il n’y a rien à partager, dit-il, mais il crée aussi de l’inégalité entre pays et il faut donc des politiques fortes de régulation pour en corriger les effets négatifs. Sous l’effet des dangers dus à la crise, les pays ont été réceptifs à l’idée d’une nouvelle régulation mondiale pour en éviter le retour. Sous l’impulsion du G20 et avec les avis du FMI des actions coordonnées ont été entreprises et nous avons ainsi évité, pour le moment, que la crise ne devienne aussi grave que celle de la Grande Dépression. mais lorsque le danger est passé les égoïsmes nationaux reviennent bien vite, et il faut donc saisir l’instant propice. Aujourd'hui l'Asie, l'Afrique, et l'Amérique du Sud sont entièrement sortis de la crise, avec des taux de croissance de 4 à plus de 8 %. Il y a encore un peu d’incertitude en Amérique du Nord. En Europe la situation est plus préoccupante. Elle est encore en partie dans la crise, victime de sa faiblesse politique et du manque de coordination de ses politiques nationales dit-il, mais son problème est interne. Globalement la zone Euro est à l’équilibre et donc la monnaie n’est pas en péril, ajoute-t-il, mais le manque de coordination pourrait produire une croissance anémique, qui laisse l’Europe à la traîne (NDLR : il plaide pour une politique économique concertée en Europe depuis de nombreuses années, comme il s’en faisait l’avocat dans son livre « la flamme et la cendre » en 2002).
Il explique que le FMI n’est plus le même. Il a fait accroître la représentation des pays émergents et des pays du sud au conseil d’administration, il a financé des pays pauvres, et il impose pour les dossiers de pays qui demandent de l’aide de prendre en compte l’impact des mesures de redressement proposées sur les populations les plus fragiles. Reconnaissons que le FMI était en mauvais état à son arrivée, ayant perdu toute crédibilité, et qu’aujourd’hui il est un acteur incontournable, avec une puissance d’intervention financière considérable et dont on se dispute les avis.
Pascal Lamy, de son coté, a retracé brièvement l’histoire des accords commerciaux internationaux et de la naissance de l’OMC. Il a rappelé qu’au cours des soixante dernières années le système de gouvernance des échanges mondiaux a perdu de sa cohérence faisant apparaître des failles dans le système international et avec les systèmes nationaux. Un nouveau système est à reconstruire autour de trois principes:
I) des objectifs partagés
II) des disciplines acceptées
III) des instruments adaptés.
L’OMC fonctionne ainsi. Son rôle pour établir plus d’équité dans les échanges commerciaux commence à être reconnu. Pour Pascal Lamy il est important de garder à l’esprit l’importance de la justice et de l’équité dans les accords multilatéraux. La mise en place de nouvelles règles qui apportent plus de prospérité ne peut se faire que sur la confiance entre les états, car ils impliquent des abandons de souveraineté, et sur le soutien des opinions publiques. La gouvernance globale dont le monde a besoin ne peut être déracinée de la gouvernance locale, conclut-il.
Après les réponses aux questions de la salle le journaliste qui dirigeait les débats a demandé à chacun si ils étaient toujours de gauche, et si ils avaient changé.
Dans sa réponse Dominique Strauss-Kahn a dit qu’il s’est engagé en politique car il trouvait que le monde est trop inégal, que c’est injuste, et que c’est corrigeable. Qu’on peut agir pour aller vers plus d’égalité et pour que chacun puisse vivre dans des bonnes conditions. Il le pense toujours, il n’a pas changé, et on peut agir dans ce sens dans une commune, en étant Ministre comme il le fut, et aussi en étant directeur général du FMI.
Pascal Lamy lui a toujours été guidé par le sentiment de justice et d’équité, et il continue là où il est à mettre tous ses efforts pour aller dans ce sens.
Invités par le journaliste à dire chacun leur vœux à l'autre pour 2011, DSK a souhaite a Pascal Lamy que le cycle de Doha pour lequel il se dépense sans compter depuis 10 ans voit enfin son aboutissement, et Pascal Lamy a souhaite à DSK la bonne décision et au bon moment en 2011 !
DSK est une personnalité qui a pris une dimension considérable. Sa compétence et sa vision sont reconnues par les plus grands chefs d’état du monde libre.
J’ai été impressionné par la clarté de son discours et de sa vision du monde. Il est sans contestation possible un homme de gauche, contrairement à ce que ses adversaires essayent de faire croire. Il est aujourd’hui, à mon avis, une personnalité qui se détache nettement de tout le reste du personnel politique français. A titre personnel, j'espère qu'il défendra les couleurs de la gauche en 2012, et qu’il redonnera à notre pays la prospérité et l’aura internationale que nous avons perdues avec la politique de ces dernières années.
Jean-Pierre Vialle
Brève interview sur la TSR, pour ceux qui veulent en savoir plus:link